Attention, article long et limite barbant. Je sais qu'il y en a au moins une qui le lira jusqu'au bout (suivez mon regard...), les autres, vous pouvez passer votre chemin !
Quand j'avais 8 ou 9 ans, j'allais tous les dimanches à la messe avec ma grand-mère (celle des fraises délicieuses et de la chûte au pied du lit). Pas par excès de mysticisme, non. Mais j'aimais bien le curé Monsieur le Curé, c'était un homme profondément gentil, il avait un regard bienveillant et toujours un mot pour moi. En plus il avait marié mes grands-parents, baptisé ma mère et mes tantes, marié mes parents et mes tantes, baptisé tous mes cousins (et moi, par la même occasion) : il faisait un peu partie de la famille. Bref, je l'aimais beaucoup, il disait des choses intéressantes - même pendant la messe - et ça me plaisait bien.
Et puis, ma grand-mère était une femme toujours pressée, toujours occupée à des tâches urgentes, elle avait toujours du monde autour d'elle (il faut dire que pendant les vacances, on était une quinzaine d'oncles, tantes, cousins à demeure, et que ça vous occupe une maîtresse de maison !). Mais à la messe, elle y allait seule. Donc, si j'y allais avec elle, je l'avais pour moi toute seule... et ça, j'aimais beaucoup, beaucoup.
Bref, vers 8/9 ans, j'étais certaine que je me marierais à l'église, la question ne se posait même pas. Et en robe de princesse, évidemment. C'est vers cette époque que j'ai invité mon papi et ma mamie à mon mariage, et que papi m'avait répondu que, peut-être, il n'y serait pas... parce qu'il serait peut-être mort. Je lui en ai beaucoup voulu pour cette petite phrase : on est con, quand on est gosse...
Et puis, vers 10/11 ans, je me suis rendue compte que oui, j'aimais bien aller à la messe, mais que non, je ne croyais pas en Dieu. Du moins, pas tel qu'il m'était présenté.
Déjà toute gamine (5/6 ans), quand mamie me disait que Dieu était dans le ciel, au dessus-des nuages, je lui rétorquais que ce n'était pas possible, parce qu'on ne peut pas s'asseoir sur un nuage : celui qui essaye de s'asseoir sur un nuage, il tombe vu qu'il est plus lourd que la vapeur d'eau. Oui, j'étais déjà raisonneuse... Et ma grand-mère, un peu embarrassée : quels autres mots pour expliquer Dieu à une minette de CP ?
Vers 10/11 ans, je me suis dit que ce Dieu sévère, punisseur, sans indulgence, qu'on nous présentait au caté, n'était guère logique. On nous disait que "Dieu est amour", qu'il fallait être honnête et généreux. Que si on faisait les choses sans intention de faire le Mal, on irait au paradis. Mais Dieu était bien sévère avec les "pécheurs"...
Moi, quand j'ai du me confesser pour ma communion, j'étais bien embêtée... Dans ma tête, un péché, c'était quand on avait eu l'intention de faire quelque chose de mal. Or, de par l'éducation que j'avais reçue, c'est une chose que je ne faisais pas. J'avais conscience que parfois je faisais des bêtises, plus ou moins graves, mais jamais intentionnellement.
Donc, point de péché à confesser. Mais c'était obligatoire, le curé (ce n'était pas Monsieur le Curé, c'était un autre, beaucoup moins sympathique) nous avait dit que c'était impossible que nous n'ayons jamais péché. Ça m'a sacrément perturbée.
Dieu serait donc un type qui pouvait vous en vouloir même si vous essayiez d'être sincèrement gentil ? Pas logique, j'vous dis. Dieu, s'il existait, il savait que je n'avais pas de mauvaises intentions, même le jour où j'avais malencontreusement mordu mon frère le lendemain du BCG, juste sur la cicatrice toute fraîche (je jure, j'avais pas visé : c'est tombé comme ça) : j'étais juste très énervée, et très bête. Il savait aussi que mon frère n'avait pas réfléchi avant de me pousser d'en haut de l'escalier, mais heureusement je me tenais bien des deux côtés de la rampe pendant qu'il me poussait avec ses pieds.
Dieu, il ne se montrait pas. Donc, il nous donnait le choix de croire en lui ou pas. Mais ce qu'il ne négociait certainement pas, c'était d'appliquer ce que j'avais compris des valeurs de la religion catholique : l'honnêteté, la générosité (je n'ai jamais aimé le terme "charité"), "l'amour" des autres.
Pour moi, il suffisait de rester dans ces chemins-là pour bien m'entendre avec lui, et peu importait si je croyais ou pas à son existence.
Il faut dire que je craignais quand même un peu l'enfer, quand j'étais gamine. Mais je répugnais à croire en Dieu uniquement pour éviter l'enfer, ce n'était pas honnête et donc c'était un péché (pfff, j'étais un peu torturée comme gamine, non?).
L'arrangement que j'avais conclu avec Dieu (s'il existait) au cas où je mourrais était donc le suivant : " Je ne sais pas si je crois en toi ou pas. MAIS je suis une fille qui respecte les grands principes de la religion catholique, parce que je les trouve justes. DONC si je meurs, il y a deux solutions : SOIT tu es un dieu jaloux et vengeur, qui n'admet pas qu'on ne croie pas à son existence, et alors tu ne m'intéresses pas et j'ai raison de ne pas croire en toi et l'enfer n'existe pas non plus ; SOIT tu es un dieu aimant et bienveillant qui accepte de me laisser la liberté de croire ou pas, et alors tu sais que je ne suis pas une mauvaise fille, que j'ai toujours fait de mon mieux donc tu ne m'envoies pas en enfer même si je ne crois pas exactement en toi."
Redoutablement logique, non ?
J'ai fonctionné pendant toute l'adolescence sur cet arrangement, sans décider si je croyais vraiment ou pas. J'ai fait mes deux communions, mais pas la confirmation parce que le caté tombait en même temps que le cours de danse avec mes copines et il a fallu choisir. Mes parents, à qui je n'avais pas raconté toutes mes pérégrinations intimes, ont été plutôt rassurés : ils s'inquiétaient un peu de me voir continuer à aller à la messe tous les dimanches qu'on passait chez mes grands-parents...
Puis Monsieur le Curé est mort.
Les messes sont devenues des leçons de morale, des cours de "bon comportement"... on ne parlait plus de libre arbitre, mais on demandait de s'agenouiller devant des principes, des lois sur lesquelles il n'y avait pas lieu de réfléchir. J'ai cessé définitivement d'aller à la messe, même pour faire plaisir à ma grand-mère.
J'ai aussi réalisé, quand j'ai vu des gens mourir autour de moi, combien il est rassurant d'avoir la foi, de croire en un après. J'ai compris à ce moment là que, certainement, on peut croire en Dieu par opportunisme... mais non, ce n'était pas pour moi. Si on y croit par opportunisme, Dieu le sait et ce n'est pas ce qu'il veut : toujours ma logique implacable... Et puis, ç'aurait été une façon de trahir ma grand-mère, qui m'avait dit un jour : " Tu sais, la foi, on l'a ou on ne l'a pas. Elle t'est donnée, ou pas. Toi, tu ne l'as pas reçue. Je le regrette, parce que c'est quelque-chose qui t'aiderait à vivre. " J'ai trouvé ça très sain, comme formulation.
Puis, en devenant adulte, j'ai compris que pour les croyants, Dieu n'est pas une personne (genre, un type assis sur un nuage), mais un concept abstrait pour désigner tout ce qui est bon en nous. Je crois que si on me l'avait présenté comme ça gamine, j'aurais pu y croire. Ou peut-être me l'a-t-on dit, mais je ne l'ai pas compris : trop concrète, trop "logique" dans mes raisonnements ?
Toujours est-il qu'aujourd'hui, je ne crois pas en Dieu, j'ai laissé tomber mon arrangement pour éviter l'enfer, et j'ai décidé de vivre selon les principes que j'ai choisis, qui concordent avec les "grandes lois" du christianisme tel que je le comprends.
Mais quand "par accident" je vais à la messe (mariages, communions, enterrements...) je ne récite plus les prières, car ces actes de foi ne correspondent pas à mes convictions. J'ai le sentiment que déclarer, même au milieu d'un foule anonyme "Je crois en Dieu", ce serait cracher à la figure de tous ceux qui y croient vraiment. Ce serait dire à ma grand-mère : " Vois comme ta foi vaut peu, quand je peux réciter la même prière que toi sans en penser le moindre mot ! Quelle est la différence entre ta prière et la mienne, qui ne vaut rien ? "
Alors je ne me marierai pas à l'église, je le sais depuis plusieurs années maintenant.
Dans ma famille, ils sont un peu étonnés, ils pensent que c'est à cause de MonHomme, qui est un peu "bouffeur de curés" sur les bords (surtout à gauche). Ils ont du mal à comprendre quand j'explique que je refuse d'aller à l'église par respect pour mamie, alors qu'eux pensent que je pourrais y aller justement "pour lui faire plaisir". lls trouvent un peu excessif mon refus de "m'engager devant Dieu" alors que cette formulation n'a pas de sens pour moi (j'ai bien écouté au dernier mariage auquel j'ai assisté, c'est ça que disent les mariés). Elle (mamie) a compris, je crois.
Voilà, tout ce long article pour préparer le prochain, vous le croyez ça ? Je n'avais pas prévu d'en écrire tant, mais c'est sorti tout seul. L'occasion de faire le point avec moi-même, certainement.
Bravo à celles qui sont arrivées au bout !