... que l'indélicatesse des gens autour de la PMA continuerait de me blesser.
Et pourtant...
Samedi soir, nous rencontrons (enfin !) un couple d'amis. Lui est très très proche de MonHomme, il y a entre eux un lien d'affection ancien et fort. MonHomme est la parrain de sa petite (et croyez-moi, ça a été un exploit de le convaincre d'entrer dans une église !), il a été notre témoin pour le mariage. Sans compter tout le reste, tout le "quotidien" partagé, même si nous ne nous voyons pas si souvent que nous voudrions.
Il nous tardait de leur dire la bonne nouvelle, surtout à lui, surtout pour MonHomme.
Émotion, bisous, embrassades. Il faisait un peu sombre et je n'ai pas tout vu, mais je parierais volontiers qu'il avait la larme à l'oeil.
Et pendant ce temps, sa compagne : "Oh mais c'est chouette, Bidule aussi elle est enceinte, tu sais !"
Alors, Bidule c'est une nana qui fait partie du même groupe de copains, mais depuis beaucoup moins longtemps. Ça fait environ 10 ans que je la connais, 10 ans qu'elle nous parle de ses ovaires. Pour qui s'y connaît, elle n'a rien de bien grave mais elle a réussi à convaincre tout le monde qu'elle était la nana la plus malheureuse du monde avec ça (et aussi avec son grand-père qu'elle a enterré au moins 4 fois en 5 ans, ses histoires d'amour à dormir debout, bref, elle m'agace).
Bidule a erré de fiasco amoureux en fiasco amoureux pendant des années (mais c'était toujours de la faute des mecs, que, c'est vrai, elle choisissait assez minables en général). L'an dernier, elle a fait connaissance d'un type à peu près normal (mais facteur, ce qui la met visiblement un peu mal à l'aise car à ses yeux c'est un peu bas dans l'échelle sociale mais bon : il ne boit pas, il n'est pas violent, ça compense un peu je suppose). Un type à l'air très gentil, nous avons fait sa connaissance à notre mariage (car oui, Bidule était invitée à notre mariage, on a hésité mais vis à vis du groupe c'était délicat de la laisser de côté).
Tout au plus un an après le début de leur relation, donc, Bidule a décidé de "faire un bébé avec son facteur" (c'est comme ça qu'elle me l'a dit, je vous jure !). Et a reparlé de ses ovaires...
Pour le mariage, Bidule a bassiné toute sa tablée avec ses ovaires, le protocole de PMA qu'ils allaient devoir suivre bientôt, les spermogramme du facteur, etc, etc. (Bidule était loiiiiiiiiin de nous pour le mariage, c'est vraiment pas de chance, on aurait peut-être pû apprendre des trucs ?). Tout le monde dans la tablée a bôôôôcoup plaint Bidule (moi je me demande s'ils ne plaignaient pas davantage le facteur, mais bon...)
Maintenant, Bidule est enceinte. De deux mois, environ.
C'est vraiment très chouette pour eux, je suis réellement contente pour eux.
Bidule l'a annoncé à tout le monde, je ne sais pas exactement quand mais en tous cas avant nous, donc avant de savoir s'il est bien accroché, si tout va bien. (Je précise qu'elle a eu la délicatesse, tout de même, de ne pas nous inclure dans le texto collectif)
Tant mieux pour elle, tant mieux pour eux : ça veut dire qu'ils ne sont pas inquiets, c'est réellement très bien.
J'espère juste que ça ne va pas foirer, leur histoire. Pour eux bien sûr, et aussi, plus égoïstement, pour nous : si sa grossesse devait s'arrêter, ça deviendrait difficile en sa présence (rare, certes) de profiter de notre bonheur. Bref.
Ce n'est pas ça qui m'a blessée.
Ce qui m'a blessée, c'est la façon dont m'a parlé "l'amie" qui me l'a annoncé.
" Rho, c'est bien, tu sais eux aussi ils ont eu du mal tu sais, ils ont attendu..."
Alors, je veux bien me réjouir pour Bidule et son copain. Vraiment.
Je veux bien admettre que, si elle croyait vraiment que ses merdounettes aux ovaires risquaient de l'empêcher définitivement d'avoir un gamin, elle ait très mal vécu cette incertitude, et ce pendant plusieurs années (avant d'avoir rencontré le facteur, donc).
Je comprends sa trouille. (je comprends moins qu'elle nous en ait pompé l'air pendant des années, y compris à un couple définitivement stérile pour OATS sévère, pour moi ça relevait plus du "intéressez-vous à moi/plaignez-moi/je suis le centre du monde" que de la demande de soutien, mais bon, c'est son problème)
Mais je refuse que nos parcours soient assimilés.
Je refuse que ses inquiétudes pré-PMA (que j'ai eues aussi pendant des années) et ses... allez... 6 mois d'essais à tout casser, soient assimilés à nos 4 ans et demi de galère, de claques, d'IAC merdiques, de FIV sans succès, de TEC foirés.
Je refuse que, parce qu'elle a exposé sa souffrance davantage que nous, avec plus de pathos et d'insistance, on compare nos parcours. Et finalement, certains retiendront qu'elle en a plus bavé que nous ?
C'est une réaction à la con, mais ça me fout en boule.
C'est con, parce que la souffrance n'a pas de classement (cf ici).
C'est vraiment très con, parce que je ne veux pas être celle qu'on plaint.
C'est con, parce que je n'en ai rien à cirer que les gens la "plaignent". Et même, je n'en ai rien à cirer qu'elle parvienne à sa faire admirer pour son "héroïsme" (j'extrapole là, hein)
Mais ça m'a un peu gâché le plaisir de l'annonce.
Comme si elle nous avait "volé la vedette", comme si son annonce était plus importante que la nôtre.
C'est con, vraiment.
Heureusement, la copine a ajouté assez vite : "Enfin non quand même, ça a été plus long pour vous !"
Oui, merci de le reconnaître tout de même !
Heureusement, son compagnon, lui, n'a pas dit un mot de Bidule.
Il nous a justes serrés dans ses bras, il était juste heureux pour nous.
Heureusement, c'est surtout lui qui compte, pour nous.
Je ne m'attendais pas à être encore confrontée à cette indélicatesse.
Je ne m'attendais pas à en être blessée.
Je ne m'attendais pas à avoir cette réaction, très con.
Combien de temps encore serai-je blessée par les "fertiles" et les indélicats ?...