J'ai hésité longuement à regarder le fameux reportage "Un bébé nommé Désir".
J'avais peur des clichés, peur de ne pas me reconnaître dans les histoires racontées.
Et puis le week-end dernier, une personne de notre famille (au courant de nos difficultés pour avoir un enfant) nous a expliqué que grâce aux progès de la science, aujourd'hui en PMA on peut choisir le sexe de son enfant ainsi que la couleur de ses yeux, et qu'une femme seule de 45 ans peut facilement avoir recours à un don de sperme et choisir le donneur en fonction de sa taille et de son niveau d'études ("mais si, je te jure, en France !!").
Et puis lundi soir, ma mère m'a demandé si je regarderais le reportage, ce que j'en pensais. Je lui ai répondu que, certainement, je n'y apprendrais pas grand chose. Et que les reportages sur la PMA véhiculaient souvent des images erronées, difficiles à recevoir pour nous.
Alors je me suis dit qu'il fallait regarder la télé hier soir, ne serait-ce que pour pouvoir en parler après avec ma mère, ou avec des proches qui s'intéressent à la question et qui cherchent à nous comprendre, un peu. (pas avec le cousin de la conversation de dimanche : lui, je renonce)
Donc j'ai regardé.
POUR :
- On n'a pas vu l'image fétiche des journalistes qui parlent de FIV : la pipette qui introduit le spermatozoïde dans l'ovule. Lorsque lundi soir j'ai dit à ma maman que nos embryons n'ont pas étés conçus comme ça, elle était tout étonnée...
- On a parlé (un peu) de a difficulté à vivre l'infertilité. J'ai trouvé les mots d'une psy (Claude Halmos je crois) très simples et très justes. Malheureusement, je trouve qu'elle a parlé trop brièvement.
CONTRE :
- Un micro-reportage sur une femme de 40 ans qui a réussi à être maman grâce à la FIV : ses 40 ans sont précisés dès les premières secondes, sans préciser la cause de l'infertilité, sans préciser combien de temps cette femme s'est battue, sans préciser à quel âge elle a commencé à désirer cet enfant. Finalement, on comprend que c'est à cause de son âge (avancé) qu'elle a du avoir recours à la PMA. Ça m'a heurtée.
- Un reportage plus long sur un couple en cours de FIV avec don d'ovocytes en Espagne. Ils étaient mignons, mais je ne me suis pas sentie concernée.
- Une absence de détails sur le don d'ovocytes en France : quelle femme, même sensibilisée sur le sujet, aura compris qu'elle PEUT donner des ovocytes en France ? Dans quelles conditions ?
- Un reportage sur le don d'embryons : intéressant (c'est un sujet qui m'interpelle, avec nos deux embryons congelés) mais trop court, mal expliqué. On réussit tout juste à comprendre que ce sont des embryons surnuméraires après une FIV réussie.
- Un loooong reportage sur les gestations pour autrui. Le sujet est certes à la mode, mais est-il représentatif de ce qu'est la situation majoritaire de la PMA ou du désir d'enfant actuellement en France ?
- Au final, AUCUNE évocation des causes de l'infertilité : ce n'était certes pas le sujet de l'émission, mais une trentaine de secondes sur le sujet ne m'auraient pas semblées déplacées. Juste pour que le grand public comprenne que ce n'est pas qu'une question d'âge, qu'il n'est pas nécessaire de regarder les couples en difficultés de procréation comme des bêtes curieuses, que ça peut tomber sur n'importe qui.
- Une statistique, au milieu de tout ça : on a 50% de réussite en FIV. Ça a été dit en cours de reportage par un professeur, puis répété par une journaliste. Et on comprend que CHAQUE FIV a 50% de réussité, alors que si je ne me trompe pas c'est 50% des couples qui ont un enfant EN FIN DE PARCOURS.
- Pas un mot sur les échecs de la PMA, pas un mot sur les fausses couches, expliquées ou non.
- Et l'enfant adopté, ne peut-il pas être lui aussi nommé Désir ? Je sais, ce n'était pas le sujet. Mais un silence absolu sur le sujet me semble déplacé dans ce cadre
Au final, je ne me suis pas reconnue dans cette émission.
Je ne me crois pas très narcissique, mais d'après ce que je vois sur internet, d'après ce que me disent ma gynéco et mon biologiste, je crois que ma situation est assez représentative de la pmette française moyenne : un centre normalement équipé (mais malheureusement pas de Professeur Frydman près de mes montagnes), plusieurs tecnhiques tentées, des échecs répétés et inexpliqués, un parcours de plus de 4 ans et demi avant, enfin, un début de grossesse.
Et je me suis sentie réellement concernée, réellement "décrite" dans... pfff... environ 3 minutes seulement sur les 2 heures de reportage.
Est-ce que cette émission permettra à ma maman de mieux comprendre ce que nous avons vécu, tout l'espoir, toute la souffrance, toute la technique, tout le chemin parcouru, tout le miracle, toute la force contenus dans ma tortue-lardon ?
Malheureusement, je ne crois pas.